Les médias : amour, gloire et… maigreur
Plus besoin de le préciser, « le cinéma, la télévision, les magazines, les affiches publicitaires font sans cesse la promotion d’un corps idéal, présenté comme « normal », mais pourtant éloigné du corps réel et généralement inaccessible. » [1] Pour atteindre cette perfection, les images de nombreuses stars et mannequins (déjà souvent au régime) sont couramment retouchées, grâce au miracle de l’informatique, de façon à affiner la taille, allonger les jambes, unifier le teint, etc.
De plus, nous sommes constamment bombardés de messages sur la minceur, d’informations sur des régimes « miracles » et sur la beauté. Tout cela influence l’image que nous avons de nous-mêmes. « Notre corps est un objet imparfait qui nécessite un important investissement ainsi qu’un travail constant. En tentant d’atteindre un idéal de beauté inaccessible, les femmes mettent bien plus que leur budget en péril : leur santé physique et psychologique inquiète plusieurs spécialistes. » [2]
Nombreuses sont aussi, dans les médias, les publicités alimentaires qui nous incitent à manger, voire à grignoter (souvent des produits alimentaires peu recommandés dans le cadre d’une alimentation équilibrée : boissons sucrées, en-cas chocolatés, confiseries…). Mettant en scène des acteurs minces, ces messages publicitaires sont donc contradictoires : mangez mais restez minces !
La médecine : prévenir = maigrir ?
Si être gros est souvent mal perçu dans nos sociétés, la lutte contre l’obésité d’un point de vue médical semble avoir contribué à la stigmatisation des rondeurs : le « gros », incapable de se contrôler, prend, en plus, des risques pour sa santé.
Mythe ou réalité ? Une personne mince est toujours en meilleure santé qu’une personne en surpoids.
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En effet, « le discours médical souligne fréquemment les risques et problèmes de santé liés au surpoids. L’obésité est d’ailleurs considérée par certains comme une maladie. […] Des cliniques spécialisées et des traitements de l’obésité sont mis au point : prise en charge pluridisciplinaire, pilules pour maigrir et interventions chirurgicales – telles que l’anneau gastrique ou la liposuccion – en sont de parfaits exemples. » [3]
Par ailleurs, dans le domaine du poids et de l’alimentation, de nombreuses campagnes de prévention existent. Elles sont généralement normatives (faites ceci, pas cela) et encouragent chacun à une saine gestion de son poids et de son alimentation. Ce genre de campagnes peut aussi induire que chacun est individuellement responsable de sa corpulence, renforçant ainsi les préjugés courants : le gros mange trop et est paresseux ! De tels messages peuvent s’avérer culpabilisants puisqu’ils mettent en évidence les comportements à risque de certains et leur responsabilité. [4]
43% de Français estiment que la prévention donne une mauvaise image des personnes qui n’ont pas de bonnes habitudes alimentaires. [5]
Pourtant, lorsque l’on regarde de plus près, il n’est pas toujours possible d’agir sur la multiplicité de facteurs qui influencent notre corpulence : notre environnement, nos modes de vie, les aspects socio-économiques, culturels… Par exemple, le stress, l’isolement, des emplois plus sédentaires qu’autrefois, des déplacements en voiture ou en bus plutôt qu’à pied ou à vélo car les trajets sont souvent longs, l’abondance de l’offre alimentaire, le coût d’une alimentation saine…
La minceur, un argument marketing
S’appuyant sur le discours médical, les industries cosmétique et pharmaceutique profitent de l’obsession actuelle de la minceur. Elles mettent ainsi en vente de plus en plus de produits miracles sensés nous aider à rester mince, voire à maigrir … tout en avançant le motif de la santé.
« Pour favoriser le marketing de certains produits, les entreprises n’hésitent pas à mettre en évidence les problèmes de surpoids et d’obésité, à rendre le sujet plus visible encore voire à le dramatiser. Leurs produits sont alors présentés comme des solutions « miracles » pour un retour à la normale, à la minceur et pour retrouver tonus et santé. »
Cela se vérifie aussi dans de secteur de l’industrie agroalimentaire où l’argument sanitaire est omniprésent : « le sel enrichi en iode pour prévenir les affections thyroïdiennes, le sucre et les céréales aux fibres ajoutées pour faciliter le transit intestinal et éviter le cancer du côlon, les margarines anti-cholestérol et les œufs dotés d’acides gras essentiels pour lutter contre les maladies cardiovasculaires ou encore le célèbre yaourt liquide qui agit au cœur de l’intestin et aide à renforcer les défenses naturelles ». [6]
La santé semble donc être devenue un argument de vente particulièrement efficace, puisque « presque un produit alimentaire sur quatre est vendu avec un argument de santé ». [7]
Nous sommes tous acteurs de la norme
Les médias, les industries agroalimentaire, pharmaceutique et cosmétique ainsi que la médecine ne sont pas les seuls à avoir du pouvoir et influencer ou renforcer le culte de la minceur. Si ces éléments viennent renforcer la norme de la minceur, il ne faut pas perdre de vue qu’elle est avant tout une construction sociale. C’est aussi parce que nous avons nous-mêmes intégré ce modèle esthétique que nous lui permettons inconsciemment de continuer à régner.
81% des cultures traditionnelles considèrent que l’idéal de beauté féminine est une beauté que l’on peut qualifier de « bien en chair ». [8]
Mais pourquoi se focaliser sur la corpulence plutôt que sur n’importe quel autre aspect de notre anatomie ? Comment réagirions-nous si demain, seuls les cheveux blancs étaient appréciables ? Irions-nous tous chez le coiffeur pour une décoloration ou trouverions-nous cela injuste ? Ne voudrions-nous pas revendiquer la beauté d’une chevelure blonde, châtain, noire ou rousse ? Ne voudrions-nous pas revendiquer cette particularité esthétique comme une partie de notre identité ?
En acceptant cette norme de la minceur, nous contribuons donc au renforcement de ce modèle esthétique et à la standardisation des corps.
[1] Obésité les normes en questions, coll Exclusion-Inclusion, EP, 2009 www.questionsante.be
[2] Article paru sur le site du Réseau Education- médias, Canada, www.media-awareness.ca dans l’encadré : idem réseau education-médias
[3] « Obésité les normes en question », coll. Exclusion-Inclusion, EP, 2009 www.questionsante.be
[4] G. Beauregard et I. Langis, « Éviter la stigmatisation des obèses : pourquoi et comment ? », 07 juin 2011 – www.espacecom.qc.ca
[5] Enquête réalisée en 2008 par l’INPES en France, auprès de 2000 personnes âgées entre 18 à 75 ans, in « Le principe de prévention. Le culte de la santé et ses dérives », P. Peretti-Watel et J.P. Moatti, Editions du Seuil – La République des Idées, 2009, p.34
[6] P. Peretti-Watel et J.P. Moatti, « Le principe de prévention. Le culte de la santé et ses dérives », Ed. du Seuil – La République des Idées, 2009
[7] « La santé fait vendre », Question santé, coll. Communication, EP, 2005 – www.questionsante.be
[8] J-P Poulain, « Manger aujourd’hui. Attitudes, normes et pratiques ». Ed. Privat, Paris, 2002 – www.lemangeur-ocha.com