Au fond, vous le savez bien, hein ? Manger quelque chose de bon, ça détend, ça fait plaisir, ça réconforte. Surtout quand on partage un bon repas avec ceux qu’on aime.

  Face au stress de la vie quotidienne, aux coups que nous devons parfois endurer, manger est une façon de se faire du bien. C’est une réponse naturelle du corps pour s’adapter et diminuer un stress.
En effet, l’ingestion d’un aliment savoureux procure un état physiologique de bien-être et de détente en augmentant la sécrétion de molécules associées au plaisir tout en diminuant celles liées au stress ou à la douleur. Le régime, en restreignant nos choix alimentaires, nous prive donc aussi de cette source de bienfait qu’est la nourriture.
Si manger ne doit pas devenir systématiquement notre seule réponse au stress (dont il faut aussi comprendre et, si possible, gérer les causes), est-il vraiment utile de se priver de façon rigide de ce réconfort ? Manger de manière variée et sans se goinfrer n’est pas incompatible avec le plaisir !
Enfin, manger ce n’est pas seulement se nourrir, c’est aussi offrir ou recevoir un repas, accueillir les autres ou être leur invité, partager avec eux un moment de plaisir, d’échange et de convivialité.


Les aliments sont une façon comme une autre de se faire du bien, tant que cela ne devient pas notre seule réponse à tous les maux. Ainsi, une revue de la littérature scientifique [1] souligne que les gens déclarent se sentir de meilleure humeur après la consommation d’aliments savoureux. En outre, des personnes chez qui on induisait de la tristesse consommaient plus de chocolat que d’autres chez qui l’humeur restait neutre. Ces études montrent que l’on se réconforte par des aliments mais ne permettent pas d’établir s’il existe un ou des effets physiologiques des aliments sur l’humeur. Cela dépend très probablement d’une condition : que ces aliments soient fortement appréciés par la personne qui les consomme et que cette consommation lui procure des émotions positives.

Ainsi, des femmes ayant consommé des aliments sucrés et jugés appétissants (cookies aux pépites de chocolat) ont vu augmenter leur seuil de tolérance à la douleur, ce qui n’était pas le cas pour celles recevant un aliment qu’elles avaient auparavant jugé comme neutre (galettes de riz) ou comme désagréable (olives noires). [2]

Mais le plaisir procuré par la nourriture n’est pas seulement individuel. L’ouvrage collectif dirigé par Claude Fischler et Estelle Masson, Manger. Français, Européens et Américains face à l’alimentation (Odile Jacob, 2008), met en avant la place de la convivialité autour du repas chez les Français et, plus largement, dans les pays dits latins (Italie, Suisse romande… et Belgique ?). Les conduites alimentaires y seraient guidées davantage par les notions de partage et de rituel (trois repas par jour, respect des heures de table, se retrouver ensemble) que par des préoccupations diététiques et sanitaires. Mais, par là même, manger ensemble ferait office de régulateur social et participerait à limiter les grands écarts de consommation entre les personnes autour de la table.

Manger a donc une triple fonction, rappelle le Dr Lecerf :
« 1. nourrir, c’est-à-dire apporter à notre organisme ce dont il a besoin en termes d’énergie et de nutriments, nous restaurer ;
2. réjouir, c’est-à-dire nous apporter plaisir et confort, nous rassurer ;
3. réunir, c’est-à-dire nous permettre de partager, d’échanger, de nous rassembler autour du repas.
C’est vers cette unité d’une fonction triple que nous devons tendre, afin de respecter profondément notre nature humaine. » [3]

De nombreuses personnes évoquent d’ailleurs les divers plaisirs procurés par les repas dans une brochure intitulée Partage et convivialité autour de la table, Question Santé asbl, service éducation permanente, Bruxelles, 2010.

[1] Benton D., Donohoe R. T., The effects of nutrients on mood, Public Health Nutrition, 2 (3a), 403-409.

[2] Mercer M. E., Holder M. D., (1997) Antinoceptive effects of palatable sweet ingesta on human responsivity to pressure pain, Physiology & Behavior, 61, 311-318.

[3] Lecerf J.-M., À chacun son vrai poids, Odile Jacob, 2013, p. 95.