« Je suis institutrice. Un enfant de ma classe est plutôt gros. Il est l’objet de moqueries et d’exclusion de la part des autres enfants. Que puis-je faire ? »

Voir plus loin que l’obésité

Des réflexions entendues dans la cour de récré contre un élève trop gros, des gestes quasi systématiques de rejet ou d’isolement… en tant qu’institutrice, faut-il mettre les pieds dans le plat ? Les réponses du Pr Nicolas Zdanowicz, psychiatre au Cliniques Universitaires Mont-Godinne, démontrent qu’une paire de pincette ne sera pas de trop…

Que faire face aux moqueries concernant le poids et le surpoids d’un enfant ?

Pr Nicolas Zdanowicz  :
- Tout d’abord, l’institutrice va sans doute remarquer que filles et garçons ne sont pas soumis aux mêmes sarcasmes. De plus, les enfants proviennent parfois de familles au sein desquelles l’obésité et le surpoids sont partagés avec les parents, ce qui change peut-être la perception des petits…
En premier lieu, c’est la question globale de l’intégration de l’enfant qui doit être posée. S’il est bien intégré, mais qu’il fait l’objet de critiques ou de railleries, sans doute peut-on se contenter d’une approche ou d’une éducation destinée à toute la classe sur le ‘bien manger’.

Mais si l’enfant est mal intégré ? S’il est devenu une tête de turc ?

- J’ai peine à croire que le surpoids suffit, à lui seul, pour faire d’un enfant une tête de turc. On peut être gros, sympa et avoir plein d’amis ! Evidemment, je ne doute pas que cet état encourage facilement les moqueries. Mais, vraisemblablement, y a-t-il également des attitudes de l’enfant qui ont contribué à la dégradation de la situation. On se sert du prétexte de son poids… comme on pourrait le faire pour un gamin portant des lunettes.
Je pense donc qu’il faut aller voir plus loin que le poids, ne pas se focaliser uniquement sur l’obésité. Peut-être que cet enfant est « mal » avec les autres. Or plus il est mal, plus il risque de « consommer » ! En fait, cette situation donne l’occasion de parler, avec tous, du « comment être avec les autres », de la manière de se comporter, d’être en relation.

Que risque-t-on en abordant le problème de front ?

- Il n’existe pas de télécommande pour changer les autres. C’est en cela, aussi, que la place de l’adulte est importante, parce qu’il s’agit de montrer à l’enfant que, lorsqu’il est confronté à un problème, il peut agir et y faire face. C’est ainsi qu’il ne le placera pas en victime potentielle toute sa vie.
Il est possible d’apprendre de ses défauts, d’en faire des forces ou de lutter contre eux. En tout cas, ce n’est pas aux autres de nous dicter ce que nous devons être. Gare, donc, aux interventions frontales, qui pourraient activer la blessure : l’objectif est de rendre les gens acteurs de leur sort.

Faut-il faire la morale aux autres enfants et aux moqueurs ?

- Il s’agit d’une attitude à double tranchant. Le but du jeu, c’est qu’un enfant, peu aimé pour le moment, le soit davantage. Mais sans qu’on le prenne en pitié, car cela ne vaudrait pas mieux pour son amour propre !
En revanche, pour tous les enfants, on peut cibler un très chouette sujet d’intervention autour d’un thème « éthique ». A leur niveau, il se résume par un : « si on me faisait ça…. » (sans se focaliser sur l’obésité). « Apprendre à être », c’est aussi cela, le rôle de l’école.