Comme les régimes sont souvent un échec, on se sent nul de ne pas y arriver et on finit par se trouver moche moralement… Pourtant on s’y remet, au risque de se retrouver une fois encore confronté à une déception.
Si les régimes ont tendance à faire maigrir au début, ce qui s’avère très motivant et valorisant, dans 80% des cas les personnes ayant suivi un régime reprennent le poids perdu après environ un an. Cela provoque alors un sentiment d’échec qui porte souvent atteinte à l’estime de soi. Beaucoup de personnes qui suivent des régimes se sentent d’ailleurs moins épanouies et ont l‘impression d’avoir moins de valeur que celles qui ne font pas régime. La pression que l’on se met pour maigrir peut alors devenir de plus en plus forte. Certaines personnes estiment même que leur vie commencera réellement quand elles auront atteint le poids ou le corps rêvés. Mais que se passera-t-il si la nouvelle tentative de maigrir s’avère à nouveau infructueuse ? Un peu plus de dévalorisation avant de redoubler d’effort dans un nouveau régime ?…
Dans son enquête sur 552 étudiants de l’enseignement supérieur et universitaire, Sandra Ruttiens [1] observe que « les personnes au régime montrent en moyenne un niveau d’estime de soi globale, d’estime de soi sociale et d’estime de soi liée à l’apparence, plus bas que les personnes qui ne suivent pas de régime ». Elle constate aussi que « plus les scores de restriction cognitive sont élevés, plus les scores d’estime de soi sont bas, et inversement ». L’échantillon n’est pas tout à fait représentatif de la population belge des 18-24 ans : les personnes en surpoids ou obèses y sont en fait sous-représentées. Pourtant, parmi les répondants qui avaient fait régime (soit un peu plus de la moitié : 55%), 27% en avaient suivi un, 20% en avaient suivi deux, 24% de trois à cinq, 29% plus de cinq.
Mais certaines personnes disent aussi se sentir plus épanouies lorsqu’elles font régime. A court terme, c’est sûr, maigrir dope le moral. Mais l’étude de Linda Bacon et al. [2] montre qu’il faut compter avec le facteur temps. « Elle compare l’évolution sur deux ans de variables biologiques et psychologiques chez des femmes obèses, d’âge moyen, chroniquement au régime, réparties dans deux groupes thérapeutiques comparables sur les méthodes (24 sessions en groupe hebdomadaires) et différents sur les objectifs. Un groupe est classiquement centré sur la perte de poids (DIET), l’autre sur l’amélioration des conditions de santé sans recherche de perte de poids (HAES). Un an après, les deux groupes sont psychologiquement améliorés. Une tendance à l’amélioration de l’estime de soi s’observe dans les deux groupes. La réduction du score de dépression, statistiquement significative dans les deux groupes, est plus importante dans le groupe DIET. L’amélioration de l’image de soi, commune aux deux, n’est significative que dans le groupe HEAS, le seul dont l’insatisfaction corporelle régresse. L’évaluation à deux ans montre que l’amélioration se maintient, voire s’accentue, dans le groupe HEAS, alors qu’elle s’inverse dans le groupe DIET dont l’estime de soi atteint un score pire qu’au début de l’étude. » [3]
Et c’est contagieux ! Kirsten Davison et Leann Birch [4] ont pu démontrer que les préoccupations des parents quant au poids de leurs enfants et leurs efforts pour restreindre la consommation alimentaire de ceux-ci avaient un retentissement négatif sur l’estime de soi et la confiance en soi physique et intellectuelle des fillettes dès l’âge de 5 ans.
Alors, pour booster l’estime de soi, une lecture conseillée : Christophe André, Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l’estime de soi, Odile Jacob, 2006.
[1] Ruttiens S., Analyse comparative des comportements alimentaires et de l’estime de soi en fonction de la pratique de régimes amaigrissants d’une population estudiantine de jeunes adultes, Institut Paul Lambin, Haute Ecole Léonard de Vinci, UCL, Section Diététique, 2011-2012.
[2] Bacon L. et al. (2005), Size acceptance and inituitive eating improve health for obese, female chronic dieters, Journal of the American Dietetic Association, 105 (6), 929-936.
[3] Ce résumé de l’étude est publié dans le rapport d’expertise collective de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), Evaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement, novembre 2010, p. 64 (www.anses.fr/Documents/NUT20…).
[4] Davison K. K., Birch L. L. (2001), Weight status, parent reaction, and self-concept in five-year-old girls, Pediatrics, 107 (1), 46-53.